Dix mois après une édition 2022 qui a laissé des traces au Luxembourg, le nouveau guide Michelin Belux sera dévoilé ce lundi 13 mars, à Mons, en Belgique.

Le verdict du guide Michelin BeLux 2022 a fait mal à certains restaurants du Luxembourg. Le Clairefontaine, Les Jardins d'Anaïs et la Cristallerie, trois restaurants de la capitale, ont tous perdu leur étoile lorsque d'autres, La Villa de Camille & Julien et le Ryodo, ont raflé la leur pour la première fois. Qu'en sera t-il lundi prochain, alors que le célèbre guide rouge dévoilera, un peu plus tôt cette année et après la France, la liste de ses récompenses ? C'est la question que tous les restaurateurs du Luxembourg se posent, entre ambition pour certains, et sans doute de la crainte pour d'autres eu égard aux dernières révélations du guide.

"UNE FIERTÉ", "UNE APOTHÉOSE"

Celles-ci ont en tout cas prouvé, s'il le fallait, que les étoiles Michelin restaient des récompenses hautement convoitéespour la plupart des chefs du Luxembourg, et qu'en perdre une était vécu comme une vraie souffrance. Lors de notre petit tour des grandes cuisines du pays, aucun chef n'a placé la pression qu'elles génèrent au-dessus de la reconnaissance qu'elles symbolisent.

"Tout le monde remet en cause le Michelin, on raconte un peu tout et n'importe quoi. Mais obtenir une étoile Michelin, ça te porte, véritablement. C'est quelque chose qui plane en cuisine et qui t'oblige à faire toujours mieux" témoigne Cyril Molard, le chef du restaurant Ma langue sourit à Moutfort, seul deux étoiles du Luxembourg. "Je ne crache pas du tout sur le Michelin, je suis fier de ces étoiles" dit-il. Pourtant, le Vosgien, doublement étoilé depuis 2018, n'a jamais fait en sorte d'entrer dans les bonnes grâces du guide. "J'ai mis huit ans à me rendre à une cérémonie Michelin!"

Pour René Mathieu, chef étoilé de La Distillerie à Bourglinster depuis 2012, "une étoile, c'est une reconnaissance, deux étoiles, c'est une consécration et trois étoiles, c'est l'apothéose." Sa première étoile Michelin, le chef belge l'a obtenue à 28 ans. C'était il y a 32 ans. "C'était inattendu, je n'oublierai jamais. J'avais lancé au directeur que je ne cuisinais pas pour le Michelin. Il m'avait répondu que la cuisine n'avait rien à voir, que c'était la personnalité du chef qui faisait la différence" se rappelle t-il. "Bien sûr il faut des bases en cuisine, mais c'est la direction que tu prends qui compte, et que tu dois maintenir."

À La Villa de Camille & Julien, le chef Julien Lucas admet volontiers que l'étoile décrochée en mai dernier, et qu'il convoitait dès sa venue au Luxembourg avec sa compagne en 2020, "nous a bien aidé". Ceci dit, il ajoute vite: "Quand je construis une carte, je ne me pose pas la question de savoir si ça va plaire à Michelin. La plus belle récompense, c'est le client qui revient." 

En 2018, Renato Favaro a néanmoins choisi de rendre son étoile Michelin acquise en 2002 et de rebaptiser son fameux "Ristorante Favaro": le "Cômo Restaurant", en référence à sa ville natale de Côme. "Quand on tient un restaurant étoilé, on doit être irréprochable tout le temps et également très, très présent. Je ne voulais plus travailler de cette façon" explique le chef italien. "On est devenu un peu plus cool dans le service. On ne vérifie plus si la carotte est coupée deux millimètres sur deux millimètres."

Renato Favaro l'a toujours dit, ce changement de cap est aussi une façon de préparer sa retraite. "Dans le cas ou mon grand fils reprend le restaurant un jour, je ne voulais pas lui laisser une étoile Michelin qui pourrait lui mettre une pression d'emblée."

RTL

© Ma langue sourit

LE CLAIREFONTAINE PEUT-IL (DÉJÀ) RÉCUPÉRER SON ÉTOILE ?

Le Clairefontaine n'a pas été le seul restaurant du pays a perdre son étoile Michelin l'an dernier. Mais son cas a particulièrement ému le milieu de la haute gastronomie au Luxembourg. L'établissement était étoilé depuis 1989 et son chef Arnaud Magnier la défendait depuis 22 ans.

Pour lui, la déception est toujours vive même 10 mois après la décision du guide. "On n'a toujours pas eu la moindre explication. On m'a juste dit que je n'entrais plus dans les codes Michelin. Quels codes ? Je n'en sais rien" souligne t-il. "Je ne trouve pas ça correct. J'ai pourtant essayé d'obtenir des réponses."

Aujourd'hui, la douleur "est différente". "Mais je ne le digérerai jamais" lâche le chef français, passé par de grandes cuisines étoilées, notamment celles de Bernard Loiseau comme La Côte d'Or (3 étoiles Michelin). "On a eu peur pour nos 18 collaborateurs et leur famille. Mais toute l'équipe a continué de nous suivre et les clients aussi."

Quand on lui demande s'il espère récupérer son étoile le lundi 13 mars, l'homme se montre sceptique. "Franchement, je ne comprendrais pas pourquoi on me la redonnerait car je n'ai rien changé à ma cuisine. Si on l'a, je ne serai pas le plus malheureux du monde, c'est certain. Mais notre vie doit s'articuler autour de nos clients" répond Arnaud Magnier.

Il n'est néanmoins pas impossible de récupérer une étoile Michelin, un an à peine après l'avoir perdu. À Esch, Renato Favaro en a fait l'expérience en 2013. "J'étais moins présent... Ça m'a coupé les jambes." Mais onze mois plus tard, la bonne nouvelle est tombée et l'anecdote est plutôt savoureuse.

"Le guide Michelin m'a appelé pour me dire que je n'avais toujours pas confirmé ma venue à la cérémonie. Honnêtement, je n'avais pas envie d'y aller. J'étais encore très marqué par la perte de mon étoile. Mais la personne insistait. Encore aujourd'hui, je suis ému de le raconter. J'y suis allé et quand j'ai vu mon nom sur l'écran..." Renato Favaro peine à finir sa phrase mais depuis ce moment, il garde en tête une maxime toute simple: "Il faut toujours se relever."