Ce n'est pas encore l'enfer, mais pas loin! Les frontaliers français qui filent vers le Luxembourg, de plus en plus tôt le matin, jugent que prendre l'A3 est devenu "très compliqué" et expliquent pourquoi.

"Il y a les travaux donc forcément la route est un peu plus compliquée. On s'était habitué au calme du Covid et là, c'est reparti de plus belle!", lance avec le sourire Vanessa, 36 ans. Elle parle des travaux d'élargissement de l'A3 qui ont démarré mi-mars dans le sens Luxembourg-France et mi-avril dans le sens France-Luxembourg.

"Aujourd'hui c'est dix fois plus compliqué d'aller au Luxembourg, car "il y a de plus en plus de monde", selon Sylvain, 38 ans, qui fait le déplacement depuis Thionville. Sur une journée, il estime à "une bonne demi-heure, trois quarts d'heure" le temps passé en plus sur la route.

"Avant le Covid c'était plus ou moins bien. Après il y a eu le Covid, c'était très bien (sur la route) vu qu'il n'y avait personne et maintenant tout le monde est revenu, plus les travaux, c'est pire qu'avant le Covid", résume Sylvain. À son avis "les gens covoiturent de moins en moins" et "il y a des problèmes de trains" qui contribueraient à prendre plutôt la voiture.

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© Maurice Fick / RTL

Damien, 31 ans, pense que "beaucoup plus de gens privilégient la voiture plutôt que le train parce qu'ils sont encore en télétravail ou travail partiel et ne viennent que deux ou trois fois par semaine", comme c'est son cas. Son baromètre? "Entre 6h00 et 8h00, c'est blindé sur l'autoroute". C'est même déjà souvent le cas dès 5h30 ces dernières semaines. Damien le ressent sur son trajet entre Guénange et le Kirchberg qui a été rallongé de 15 à 30 minutes environ le matin.

Jérémie, 33 ans, évalue aussi de "20 à 30 minutes de plus" son temps de trajet "selon les heures", entre Thionville et Luxembourg. Aujourd'hui Jérémie a besoin d'une heure par trajet de sorte qu'il "perd deux heures par jour sur la route". Quand il a démarré au Luxembourg, il y a douze ans, il mettait "25 à 30 minutes" pour faire le même voyage. Soit une heure de moins par jour.

Depuis la fin du télétravail Gaëlle, 34 ans, perd "un bon quart d'heure" supplémentaire "selon les jours" pour son trajet en direction du Luxembourg. Un allongement qu'elle impute aux bouchons plus nombreux liés à un trafic qui s'est densifié.

TOUJOURS PLUS DE FRONTALIERS

Maria, 56 ans, éducatrice en crèche, fait le trajet entre Yutz et Luxembourg depuis cinq ans et attribue la pénibilité croissante de ses allers et venues à une augmentation du nombre de frontaliers.

"Il y a de plus en plus de monde qui vient travailler au Luxembourg, c'est ce qui fait que malheureusement, c'est de pire en pire sur la route". Et le danger augmente aussi à ses yeux, car "beaucoup de conducteur débutants ne savent pas rouler", ajoute-t-elle.

Le constat de Maria n'est pas qu'un ressenti au volant. Le nombre de frontaliers français qui travaillent au Luxembourg n'a en effet cessé d'augmenter ces dernières années. Il a même été multiplié par quatre en un quart de siècle.

Sur les 216.000 frontaliers qui font le déplacement, plus de la moitié sont français. Ils étaient officiellement 115.000 fin 2021 selon le Statec. Ils étaient moins de 100.000 à la mi-2018 et près de 84.000 "seulement" début 2015.

La situation sur la route est parfois tellement ardue au quotidien que certains frontaliers se demandent si c'est encore rentable de venir travailler au Luxembourg ?

DES RETOURS PÉNALISANTS

David, 47 ans, fait du covoiturage depuis Thionville "depuis vingt ans" et fait remarquer que c'est devenu "très compliqué" depuis la reprise du trafic ce printemps, car les voitures se "bousculent" sur l'A31 bien avant le lever du soleil.

Concrètement, avant le Covid, il mettait "30 minutes" pour se rendre à Luxembourg-Ville, "maintenant c'est 45 minutes, presque une heure". David souligne surtout qu'il met maintenant davantage de temps à rentrer chez lui après le travail. En moyenne une heure. Un changement qu'il impute "aux travaux" d'élargissement de l'A3 et "c'est très pénible". Un changement relevé par plusieurs conducteurs que nous avons rencontré.

LES CHIFFRES CONFIRMENT

Contacté par RTL 5 Minutes, le ministère de la Mobilité et des Travaux publics ne dispose plus des chiffres de fréquentation du principal axe autoroutier du pays. En cause: les compteurs électroniques de l'A3 qui ne fonctionnent plus depuis un an déjà. Un chantier est prévu pour les remplacer nous a assuré l'Administration des Ponts et Chaussées.

Mais l'outil de saturation du trafic de TomTom montre très clairement que sur les sept derniers jours, les bouchons sont nettement plus importants aux heures de pointe au Luxembourg, qu'à la même période, avant la crise Covid.

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Les niveaux de bouchons autoroutiers mesurés par TomTom Traffic Index entre le vendredi 29 avril et le jeudi 5 mai 2022. / © (Source: TomTom Traffic Index / RTL)

DES SOLUTIONS? "PARTIR PLUS TÔT"

Les personnes rencontrées évoquent plusieurs solutions pour être moins tributaires du trafic sur l'axe principal qui relie la France au Luxembourg. David, 52 ans, avoue n'avoir subi aucun changement sur la route depuis la crise sanitaire. Son secret? "Je ne prends pas l'autoroute, mais la départementale vers Hettange-Grande puis Frisange".

David, 47 ans, et ce n'est pas le seul a avoir témoigné dans ce sens, a trouvé une autre solution: "travailler la nuit". Pour cela, il "se lève plus tôt pour éviter qu'il y ait trop de monde sur la route".

Sylvain, 38 ans, abonde dans le même sens: "On essaye de partir une heure, voire deux heures plus tôt, pour éviter les bouchons et arriver plus tôt sur le chantier". Il est charpentier. Seul inconvénient, "les journées sont plus longues" au final.

Le train et le bus sont souvent cités comme des solutions. Gaëlle cite le covoiturage qui permet d'"économiser du carburant" et de "moins stresser au volant" puisqu'elle ne roule qu'un jour sur deux. Même si elle doit se lever plus tôt. Jérémie rêve même de "taxis volants" qui pourraient bien devenir réalité dès 2024.

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